J’ai d’abord connu Expressions en tant que journaliste avant de devenir Vénissiane. Alors pigiste pour L’Humanité, je côtoyais sur le terrain les confères et consoeurs du journal de Vénissieux sur des sujets sociaux auxquels trop peu de rédactions consacrent la place que ces sujets méritent. Saint Jean Industrie, Veninov, Bosch… en suivant toutes ces affaires et les luttes menées par les salariés de ces entreprises, j’ai pu mesurer la qualité et l’assiduité des journalistes d’Expressions dans la couverture de ces sujets. Moi qui devais suivre l’ensemble des questions industrielles au niveau national, bien souvent, j’ai pu m’appuyer sur les articles des journalistes d’Expressions pour compléter des informations dont je ne pouvais disposer avec autant de détails en étant basée en partie à Paris.
En tant que journaliste professionnel, on est habitué à devoir se défendre chaque jour des accusations de relais de propagande, de manipulation ou de déformation de l’information. La défiance des citoyens à l’égard des médias est forte, et parfois compréhensible. Nous sommes les premiers à être critiques de notre profession, à déplorer la moindre approximation, la moindre inexactitude ou le moindre propos mensonger de la part de nos confrères et consœurs. La logique d’info en continu et de la course au clic, poussées par la concentration des médias et une obsession de la rentabilité dans un secteur qui devrait être non-marchand, génèrent parfois un mal-journalisme dont nous sommes les premiers à être écoeurés.
A l’heure où une poignée de milliardaires détiennent la quasi-totalité des médias français nationaux et de plus en plus de titres locaux, l’existence de journaux qui ne sont pas soumis à des puissances d’argent constitue un patrimoine précieux, que chaque citoyen devrait défendre comme la garantie d’un accès au pluralisme des idées et des modes d’expressions. Expressions fait partie de ceux-là. Journal d’une ville, bénéficiant d’un financement public, sans être un bulletin municipal, ce média constitue presque un ovni dans la presse locale. Pour qui a déjà lu ou écrit dans des journaux municipaux, la différence de ton et de qualité est évidente. Si nos confrères et consœurs d’Expressions détiennent la carte de presse, ce n’est pas un hasard. C’est parce que la Commission de la carte d’identité du journaliste professionnel a estimé, preuve à l’appui que le travail qu’ils effectuent relève bien du journalisme et non de la communication. Une qualité notamment visible dans la place qu’accorde le journal au photojournalisme professionnel, de plus en plus délaissé par les journaux locaux.
On ne trouve dans Expressions aucun portrait complaisant glorifiant l’action de tel ou telle élu-e, mais des informations utiles à tous les Vénissians et une vision d’une ville de banlieue à des années-lumière des fantasmes de certains journalistes de grands médias qui ne préfèrent parler de Vénissieux que pour mentionner des règlements de compte entre dealers aux Minguettes. Désormais Vénissiane, je guette chaque quinzaine la parution de ce journal, mon journal, pour mieux comprendre les débats qui me touchent : comment la ZFE va-t-elle s’appliquer à Vénissieux et dans la métropole ? Quelle est l’actualité culturelle dans ma ville ? Quelles sont les actions portées par les associations locales ? Bref, tout ce qu’un journal digne de ce nom devrait fournir comme information, avec son lot de débats et d’opinions contradictoires.
Enfin, pour moi, défendre Expressions, c’est aussi défendre le journalisme papier à l’heure où ce format connaît une crise sans précédent. Pour autant, le journalisme papier, diffusé gratuitement dans les centres sociaux, les services publics, et jusque dans les logements, c’est une garantie d’égal accès à l’information pour tous les Vénissians, quel que soit leur âge et leurs ressources.
Loan Nguyen, ancienne journaliste à l’Humanité